Le drop shot "finesse"
Souvent jugée inintéressante, lente, passive, la technique du drop shot (et ses variantes) permet de s'adapter à presque toutes les situations. Mer, rivière, lac, été comme hiver, à la recherche du black bass, de la perche ou du sandre, elle est devenue ma technique préférée.
Loin de vouloir adopter un ton de pédagogue, je prétends simplement par cet article partager ma vision du drop shot (en perpétuelle évolution !) et surtout l'immense plaisir que cette technique peut me procurer.
Voici donc ma façon de l'aborder, dans sa variante "finesse". Ca pourra servir à d'autres !
Le drop shot, quesako ?
En quelques mots, le drop shot, c'est un montage où l'hameçon, monté en palomar, est au dessus du plomb. Un leurre souple, trèèèèèèès souple, vient s'y greffer. Nous y reviendrons.
La première fois que j'ai entendu parler de "drop shot", on m'a mis une canne G Loomis drop shot entre les mains... et là j'ai compris ce que les mots "finesse" et "sonorité" voulaient dire...
Un samedi de Novembre, Richard me dit "Aujourd'hui, je te montre le drop shot". Je me renseigne, je regarde ce que j'ai dans la boîte et je me pointe au rdv avec mes plombs de 10 gr et ma Nexave 10-30 gr. Richard en bon pédagogue me dit "laisse tomber, prends-ça". Il me fait un montage aux petits oignons avec un petit leurre souple Keitech qui frétille d'envie d'aller se baigner, et un plomb de.... 1 Gr ! J'ai l'immense privilège de faire mes premiers pas avec sa Loomis. C'est un peu comme faire l'auto école en Porsche, quoi. Quelle leçon ! J'ai bon Monsieur le moniteur ?
Depuis, le drop shot ne m'a plus quitté. La littérature est abondante sur les sites US : c'est LA technique favorite des américains pour aborder la pêche du bass en hiver dans les grands lacs, en bateau et par 20 m de fond.
Jusque là peu de points communs avec moi, qui pêche en Seine et du bord.
Mais quand on y réfléchit bien, si un basseur américain peut sentir une touchette de bass par 20 m de fond, c'est que le matos doit être rudement sonore et cette pêche très tactile. Richard me confirme donc que la technique et transposable, en me le prouvant par l'exemple. Il a d'ailleurs un excellent article sur son site. C'est que la prose est très rare sur le sujet dans la langue de Molière !
Après les premiers conseils de Richard, j'ai pu voguer de mes propres ailes, étroitement conseillé quand même par mon ami japonais Watabun qui est aussi un maître en la matière. Il a pu me concocter un choix de matos dans ce qui se fait de mieux au Japon, testé et approuvé par lui !
Un matériel simple mais spécifique
Alors, pour dropshoter en finesse, il faut quoi :
Une bonne canne sonore, maniable et courte (environ 2 m), de puissance ML ou L (la mienne est une 1/8 à 1/2), et d'action fast ou extra fast. Un ensemble spinning est donc vivement conseillé.
Savoir qu'on est bien au fond avec 2 gr au bout et qu'on opère juste une détente de la bannière sans décoller le plomb du fond relève de l'exploit sans la canne adaptée. Tout se passe dans le scion très tactile, alors que le blank doit pouvoir encaisser la charge d'un black par 20 m de fond ! (souvenons-nous l'origine de l'affaire...).
Il existe donc des cannes spécifiques, et même si on peut tenter le coup avec une bonne canne sensible, la technique prend tout son sens avec ce qu'il faut entre les mains. Oubliée la Loomis... trop chère. Tackletour me fait découvrir une alternative US beaucoup moins chère : la Kistler drop Shot special. J'en déniche une dans la foulée en occaze sur achigan et me voilà parti.
Un bon petit moulin 1500 à 2500 garni de nylon ou fluoro entre 16 et 20/100 et on est paré. La finesse du montage est primordiale (voir plus loin). Désormais, pour un feeling optimal, j'utilise en corps de ligne de la tresse PowerPro 13/100 (8kg) qui est vraiment fine et souple. Un bas de ligne fluoro d'1.50 m et le tour est joué. Sensations décuplées !
Quelques photos venant de tackletour :
Sa grande soeur, la référence en la matière : la G Loomis Drop Shot DSR820S 1/8-3/8... une merveille !
Je viens de me l'offrir et elle surpasse encore la Kistler dans le domaine tactile. Avec 5 Gr en Seine en ce mois de Septembre, sur un fond caillouteux j'ai quasiment l'impression que je suis en train de ramener mon montage sur le quai, ou sur une route ! Une véritable tête de lecture...
Quelques autres cannes recommandées par Watabun :
- MEGABASS F3-610XS HT800, 1000 model
- DAIWA Team daiwa 6101XFS CIELO
- DAIWA TD BATTLER 681MLFS KINGBOLT
- DAIWA HEARTLAND-Z 610MLFS
- UFM UEDA PRO 4 Split Shot Special 610 (3S, 4S)
- SHIMANO 2681FF(Shaura, Lesath)
- St. Croix 681MXF...
Question hameçons, le choix est vaste... outre atlantique ! classique ou wide gap, il est toujours à oeillet. Ma préférence (approuvée par mon ami japonais !) va très largement à la marque Nogales (les petits sachets jaunes). Quand il n'y a pas de risque d'accroche, les worms hook (FINA à gauche) vont aussi très bien : les américains semblent quasi exclusivement "escher" le leurre avec ces hameçons, "nose hooked" qu'ils disent. Ca parle tout seul ! Et je peux rassurer les sceptiques : même une perchette ira se piquer en nose hooked sur un gros leurre, si si. Je sais pas comment elle se débrouille mais c'est comme ça !
Le plomb, autre pièce maîtresse. Du moins cher (la chevrotine) au plus spécifique (olivette tungstene permettant de régler la hauteur de nage), tout est envisageable. Là encore, le mot d'ordre à mon humble avis : le PLUS LEGER POSSIBLE (ou plutôt le meilleur compromis possible). On passe mieux les obstacles, on se laisse porter par le courant et on limite la résistance lorsque le poisson décide de gouter. Et pour tricher un peu, les plombs très allongés (à droite sur la photo) permettent de "fendre" le courant tout en restant très light. J'ai fait mon hiver en Seine avec du 3.5 gr (bon en bordure quand même...) !
Et les leurres dans tout ça ? Du souple, du très souple ! Même si on peut imaginer décliner le drop shot avec de nombreux types de leurres (grubs, shad, worms...), j'affectionne tout particulièrement les worms annelés.
La rolls en la matière est pour moi le Keitech Live Impact (merci Richard !) qui se décline en de nombreuses tailles et coloris. Le 2.5 " séduira san pb les perches difficiles, ou focalisées sur les alevins, le tout sur un petit hameçons Nogales n° 4. Les 3, voire 4 ou 5 pouces, tenteront sans soucis les plus téméraires, et permettront aussi de toucher du sandre, voire du chevesne.
Pour la perche, j'ai pu constater que l'ajout d'une petite queue à un worm annelé fonctionnait très bien. Il existe d'ailleurs bon nombre de leurres de ce type dans de nombreuses marques. Mon sauve douille est incontestablement le Keitech K Mix Ring Worm en watermelon pepper (en bas à gauche sur la seconde photo) 4 ". La petite queue peut aussi se terminer par une boule, comme sur ces eyeball tail ou autre Megabass Dot Worm.
Récemment j'ai également pu constater à quel point les darts (type Darts Illex) pouvaient à la fois séduire sandres et perches. Je m'aventure également cette année nettement du côté des créatures (de type Keitech Hog Impact), qui semblent permettre de mieux sélectionner le sandre.
Bref, tout peut s'imaginer tant que ça frétille à la moindre sollicitation, avec, pour moi, un seul impératif : la densité du leurre doit lui permettre de ne pas couler trop vite à l'arrêt, voire dans certains cas de rester quasi "suspendu" dans l'eau.
Enfin, pendant la fermeture du carnassier, le drop shot non animé, au ver, est très efficace sur la perche et le sandre. La seule différence est qu'il devient vite fastidieux de remettre un ver après chaque poisson !
Un montage rudimentaire et deux objectifs : finesse et légèreté
Nous voilà donc parés, le matos en poche.
Comme évoqué plus haut, le montage est très simple. Simple ne doit pas vouloir dire baclé ou grossier ! Rappelons-nous que le drop shot est une pêche plutôt lente, voire statique dans certains cas. Le poisson a largement le temps d'examiner la qualité du montage, en d'autres termes, de repérer la supercherie. Plus que pour toute autre pêche au carnassier, la finesse prend toute son importance.
En direct sur son fluoro, on monte l'hameçon avec un noeud palomar. Comme le précise Richard dans l'excellente petite vidéo, n'oubliez pas de repasser le fil dans l'oeillet de l'hameçon, du haut vers le bas, pour que l'hameçon se présente perpendiculairement à la ligne, courbure vers le bas. Prévoir de laisser de la longueur de fil sous l'hameçon, ce qui permettra, au moyen des plombs drop shot, d'ajuster la profondeur de présentation du leurre.
Selon que le fond est dégagé ou pas, selon la profondeur d'activité des poissons, on pourra estimer qu'une trentaine de cm entre le plomb et l'hameçon est une bonne moyenne pour commencer (exemple des bordures en Seine). Pas d'inquiétude s'il reste du fil sous le plomb, il ne gêne pas. Personnellement, dès que je recherche le sandre, je diminue ce "fond", pour avoisinner les 20 cm, en ayant bien à l'esprit qu'avec l'inclinaison de la ligne depuis le bord, le leurre sera plus à 5 ou 10 cm du fond qu'à 20.
Une fois le leurre installé, ça doit donner à peu près ça :
Selon que vous choissisez un hameçon offset ou classique, le montage sera différent. Personnellement je privilégie le montage "nose hooked" dès que la propreté du fond le permet, pour au moins trois avantages : 
- les loupés sont moins nombreux
- piqué par le nez, le leurre exprime tout son potentiel frétillant !
- enfin, un hameçon classique de taille 4 permet d'utiliser toutes tailles de leurres, ce qui n'est pas le cas d'un offset.
Mais un hameçon offset a aussi ses avantages : celui de moins accrocher bien sûr, mais également de favoriser la présentation du leurre bien perpendiculaire à la ligne. C'est ainsi systématiquement un offset que j'utilise pour bien présenter un Keitech Shad impact en drop shot.
Joli poste, lancer, contact, pop on est sur fond. On fait quoi de sa canne maintenant ?
Animation : garder le plomb collé au fond !... ou pas / animer le leurre !... ou pas
Là où les pêcheurs US sont unanimes, c'est à propos de l'animation : le plomb ne doit pas quitter le fond ! le leurre est donc animé par relachés du scion, qui détendent la bannière, et petites saccades, et ce sans jamais décoller le plomb du fond. Vous avez dit tactile ?
Il s'agit donc de faire se déplacer le leurre, entre les pauses, en trouvant la cadence pour que le déplacement du plomb soit le plus près du fond avant de l'y reposer doucement.
C'est donc ma routine de base en drop, quand je prospecte :
Lancer...contact... tic tic tic... deux tous de moulin... tic tic... un tour de moulin... frétillement... un tour de moulin... TOC TOC ! > entrez ! ferrage, et bien le bonjour ! Ah c'est comme ça que je l'aime le drop shot.
Autant les touches peuvent être subtiles, autant certaines vous démonteront le bras avec une canne bien sonore et des poissons actifs.
Appliqué dans le courant ou en sortie d'égoût, on peut tout aussi bien laisser filer le plomb dans la veine d'eau, tout en gardant le contact.
Le jour où j'ai passé ma canne à Valentin, le long d'un ponton, il a même adapté cette animation de base au poste (pêche sous le scion) et décollait allègrement le plomb du fond, ce qui s'apparentait donc à une dandine inversée. Et c'est comme ça qu'il a sorti nos seules perches de la journée, les unes après les autres, certainement d'abord attirées par la valse du plomb !
Enfin, Watabun m'assure qu'au Japon de nombreux pêcheurs utilisent le drop pour "cranker" : le plomb ne touche jamais le fond ! Kotaro Kiriyama aurait gagné le BASS elite tournament sur le lac Erie en 2008 comme ça...
D'ailleurs, quand les touches se font rares, essayez de simplement déplacer le leurre, en stop and go, sans l'animer...
Le gros avantage du drop, c'est de pouvoir insister sur un bon poste, en restant en place ou en avançant très lentement. Quelle autre technique permet d'animer un leurre au même endroit plusieurs secondes ?
Mais on peut aussi en faire une technique de prospection assez rapide ! longer une berge ou un ponton devient très facile.
Enfin, ne surtout pas croire que c'est une technique pour poisson peu actifs, "spooky" comme ils disent sur les sites US. Mon ami japonais me l'assure : le drop est payant toute l'année. Animation rapide et plus saccadée pour poissons actifs en eaux réchauffées, animation quasi statique en eaux froides.
De multiples applications : à chacun son drop shot !
Comme vous l'avez compris, cette technique est très polyvalente, et chacun saura l'adapter à son goût. Personnellement, j'en fait ma technique de prédilection pour la perche.
Il paraît qu'elle est très efficace sur les black bass également, je n'ai pas eu le loisir d'essayer.
Mon ami japonais m'assure même qu'après la période de frai du bass (avril/juin chez nous), quand la pêche peut reprendre, certains specimen sont tellement fatigués qu'ils ne répondent qu'à des leurres quasi immobiles au déplacement très lent. Lui ne jure alors que par le drop shot, et nous sommes pourtant en fin de printemps, voire en été.
Le sandre se laisse également leurrer, c'est d'ailleurs en drop que je touche mon premier beau sandre de Seine un soir de septembre. Et que je confirme, quelques jours plus tard, avec un sandre de 72 cm pour 4 kg fait avec un Shad Impact. Puis Ludo qui s'y essaye nous confirme tout ça, avec un leurre Reins et un sandre de 62 cm pour 2.5.
Je me souviens encore d'un soir de novembre dernier, où, alors que personne ne touchait du sandre en Seine dans le 94, Richard m'annonca qu'il venait juste de faire 3 sandres coup sur coup entre les péniches, en drop, avec une créature blanche en guise de leurre.
Bien présenté, un leurre monté en drop peut même séduire le chevesne. Sur 18/100, beau combat garanti ! Le composant olfactif "sardine" de mes Live Impact ne doit pas y être pour rien... Hum quelle belle effluve de sardine...
Il m'est aussi arrivé de faire de grosses brèmes, par la bouche bien sûr, toujours au Shad impact.
Et je suis bien persuadé que ça doit cartonner en mer sur le bar ou le maigre. A tester !
Au final, on retiendra l'essentiel : à vous de trouver le rythme, l'animation, le leurre. A chacun son drop.
N'hésitez pas à commenter cet article et à rapporter votre expérience en la matière !
A lire également pour creuser la question :
- un article sur Team 94, avec une très bonne vidéo
- un article d'achigan
- pour les anglophones, la très bonne base d'articles de bassressource, avec de nombreux articles sur le drop shot.